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Conte de Noël d’Armande: La messe de minuit est sonnée

LA MESSE DE MINUIT EST SONNÉE

 

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Dans ce petit village de Vendée, la messe de minuit est sonnée, les villageois se hâtent vers l’Église illuminée. Ils se pressent, emmitouflés dans leurs plus belles pelisses, ils ont aux pieds leurs chaussures fourrées et ferrées pour marcher dans la neige gelée, insolite par ici. Mais les enfants ravis patinent et s’effondrent parfois, se relèvent poudrés de blanc, réprimandés par leurs parents soucieux du qu’en dira-t-on.

Sur le seuil de l’église, un peu camouflé dans l’ombre, un homme joue de l’orgue de Barbarie. Les airs de Noël s’égrènent dans la nuit et les cœurs s’attendrissent. Mais qui donc est ce mendiant ? Feu le vieil Anasthase, à qui l’on s’était habitué, aurait-il un successeur ? Qui donc le remplace ? Les femmes essaient de scruter l’ombre pour découvrir le visage de l’intrus et décident d’attendre la fin de l’office pour laisser tomber la petite pièce qu’elles avaient préparée parce que c’est Noël.

Mais une fois le porche passé, on se bouscule, on se recule. Qui sont-ils, ceux-là ? Une tribu entière, à la peau basanée, bizarrement accoutrée, est agglutinée sur les derniers bancs, les plus proches de la sortie. Il y a des gamins, des vieux, une matrone, des jeunes filles, des grands gars, toute une nichée de gitans, ma parole ! Ou des clandestins si ça se trouve ! Les fidèles font un détour avec des regards torves, pour rejoindre leurs places assignées. Comment Monsieur le Curé accepte-t-il ces étrangers dans son église ? D’ailleurs, une bonne âme se rend à petits pas pressés jusqu’à la sacristie pour informer le prêtre de ces usurpateurs dans les lieux saints. Mais le curé, bonasse, leur répond d’un revers de main que ce sont des chrétiens comme vous et moi, et qu’il n’y a aucune raison de prendre ombrage de leur présence. N’empêche. Chacun se retourne à demi pour observer ce troupeau au teint trop sombre, aux habits hétéroclites trop colorés, de drôles de chrétiens, pour sûr.


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Monsieur le Curé Jonas  dans sa chasuble de fête blanche, fait son entrée, précédé des quatre enfants de chœur parés de leur surplis immaculé sur la soutanelle rouge. 

 Il jette un coup d’œil à l’assemblée, et sans crier gare se précipite vers le fond de l’église et invite les romanichels à avancer jusqu’aux premiers bancs. Il repousse les honnêtes gens dont la place est assignée par l’usage, leur demande de se mettre plus loin, et invite les intrus à s’installer à leur place, les réconfortant et les rassurant, au milieu des allusions peu amènes et des insultes qui fusent à mi-voix. Les fidèles se sont écartés, ont fait le vide autour du premier banc, se sont reculés et refoulés, se sont agglutinés, mécontents et hargneux, dans les allées latérales d’où l’on ne voit rien, coincés derrières les piliers.

Enfin la messe de la nuit de Noël commence dans la réprobation et la mauvaise humeur, l’incompréhension. On chante à contrecœur Douce Nuit, Sainte Nuit. On chante quand même : Il est né le divin enfant.

Monsieur le Curé est en chaire, et après avoir déclamé la joie de Noël, il fait son sermon traditionnel de partage et d’amour, insistant bien sûr aujourd’hui sur l’accueil des plus déshérités. Il insiste même lourdement, proposant à chacun de recevoir chez lui ces gens sans maison qui ont, tels Marie et Joseph il y a deux mille ans, fait escale dans leur village,. 

– Ne répétons pas l’histoire, insiste-t-il en agitant les mains, ouvrons nos cœurs et nos portes !

L’assemblée baisse la tête, regarde ses souliers, et les pensées se lisent sur les visages : « C’est bien trop petit, chez moi », « Je n’ai pas assez à manger pour toute cette tribu », « Je viens juste de cirer le parquet… », « Si on les appelle les voleurs de poules, il y a une bonne raison ! », « Et pourquoi il ne les reçoit pas au presbytère, lui ? », « Mon chapon ne sera pas assez gros pour tout ce monde ! », « Moi je ne réveillonne pas, je vais aller me coucher en rentrant », « Tu parles, pour qu’ils me fauchent mes bougeoirs en vermeil ! ». Chacun a une bonne raison pour s’éviter la corvée.

Une voix de fillette soudain rompt le silence gêné.

– Et si on faisait un pique-nique ici, dans l’église ? Il y a de la place pour tout le monde…

Un brouhaha, un tohu-bohu enfle et se répercute sous les voûtes. On discute, on vocifère, on gesticule. Monsieur Kalpserski, Maire et décoré, monte prestement l’escalier de la chaire et repousse le Curé :

– Ah vous en avez fait, un bel esclandre !

Le prêtre écarte les mains en faisant la moue, d’un air de dire : « Je ne pouvais pas prévoir… ».

Le Maire tape inutilement sur le bois de la chaire pour faire taire l’assemblée, se meurtrit la main, alors il ôte sa chaussure et frappe, et la dure semelle ferrée écorche la belle patine de la balustrade cirée. Le prêtre fait un geste pour faire cesser le massacre, mais le maire l’écarte d’un geste autoritaire. Enfin la cacophonie s’atténue et l’édile énonce : 

– Je trouve l’idée intéressante, merci de l’avoir suggérée. Mais il faut que Monsieur le Curé soit d’accord pour nous accueillir dans ce lieu saint. 

– Ma foi, répond le prêtre circonspect, rien ne s’y oppose si tout le monde le souhaite ?

Mais voilà que dans la salle à nouveau les discussions reprennent, de plus en plus vives. Un groupe se forme autour de l’opposant politique de Monsieur Kalpserski, Monsieur Beauchamps.

– Nous n’admettons pas que l’église soit profanée par des agapes qui n’ont rien de chrétiennes. Nous quittons ce lieu.

Et ils entraînent derrière eux femmes et enfants, qui renâclent, privés de la perspective d’une joyeuse soirée peu ordinaire.

– On se croirait à Clochemerle, la pissotière en moins ! Grogne le Maire.

Devant l’agitation, le Curé Jonas hésite à reprendre la Messe de Minuit. Finalement il retourne à l’autel, fait signe à l’organiste de jouer. La musique adoucit les mœurs, et la foule se calme. Durant tous ces débats, les bohémiens sont restés regroupés, quelque peu effrayés, dans les premiers bancs, redoutant de voir déferler la maréchaussée pour les obliger à évacuer. 

La messe cependant reprend son cours, chacun s’efforce de prier, mais tous les esprits sont en ébullition. On est en train de chanter l’Agnus Dei lorsque les lustres se mettent à clignoter. Un éclair traverse les travées de part en part, un grondement monstrueux ébranle l’église jusqu’en ses fondements. Une giboulée de grêlons mitraille la toiture. Bizarrement, il arrive que des orages éclatent en décembre et se déversent sur le coq de l’église. L’assemblée est restée pétrifiée. Dans un claquement sec la foudre, dans une lueur monstrueuse, s’abat. Un craquement horrible. Une fumée sulfureuse envahit le chœur. La sacristie a été foudroyée ! Aussitôt branle-bas de combat ! On s’agite, on court, on crie ! Puis on s’organise, on se concerte, tout le monde s’y met, et les manouches coopèrent avec ardeur. L’incendie est rapidement éteint. Mais la toiture est éventrée et le mobilier écrasé. Le Curé Jonas contemple, abasourdi, les dégâts. Puis remercie du fond du cœur que la foudre ne soit pas tombée sur les fidèles. 

La fin de la messe sera un peu bâclée. Les esprits sont préoccupés, et après toutes ces émotions, le dessein d’un repas exquis accélère les répons des fidèles. À peine l’Amen de l’Ite Missa est formulé, voilà que l’agitation reprend. On remue les bancs ; des tréteaux et des planches sont prêtés par le maréchal ferrant, qui vient de marier sa fille ; chacun s’en va quérir les bons plats préparés pour sa famille, qui vont être partagés le long des tables. Le vigneron est parti avec quelques joyeux drilles en quête d’un tonneau de Mareuil nouveau. Les incontournables plateaux de fruits de mer se comptent par dizaines. Le charcutier déverse saucissons et pâtés tout juste refroidis. Des fumets de rôtis envahissent les travées. Les bûches, les chocolats et les friandises sont mis de côté pour le dessert. Et la matrone des gitans arrive avec une belle platée de rissoles, qu’on appelle ici des foutimassons ou des tourtisseaux, mais ceux-là sont fourrés de compote de pommes. Le Curé n’en revient pas d’une telle effervescence et prodigalité. Jamais il n’a vu une table aussi bien garnie. Pour ne pas être en reste, il s’en va chercher quelques bouteilles de son vin de messe, échappées de l’effondrement de la sacristie : un blanc de St Martin qu’il sucre un peu pour éviter les brûlures d’estomac, et qui fera un bon apéritif.

Mais voilà que font irruption sans crier gare Monsieur Bonchamps accompagné de quelques comparses. Il tient sous son bras un petit barillet et s’exclame d’un ton joyeux :

–  Mes amis, j’ai apporté ma fine de dix ans d’âge. Je la gardais pour mon succès aux prochaines élections, mais je crois qu’on va lui faire sa fête ce soir !

Dans l’assistance, on pourrait entendre quelques commentaires peu bienveillants : 

– Tiens, il vient faire sa campagne pour les municipales !

– Toutes les occasions sont bonnes !

– Il a eu peur pour ses fesses !

Mais Monsieur Kalpserski a tendu des bras bienveillants :

– Venez, venez mes amis, vous nous manquiez !

Monsieur le Curé est benoitement installé : on lui a apporté du chœur le lourd fauteuil, et même quelques coussins. Il est content. Autour de lui ses ouailles et les romanichels rient, chantent et plaisantent ensemble. Les notes aigrelettes de l’orgue de barbarie s’insinuent dans le brouhaha et l’enchantent. Les gamins ont envahi l’édifice de leurs jeux, ils font des acrobaties sur les bancs, et même l’un d’eux s’essaie à gravir la chaire par la face Nord. Et les parents ne disent rien, et lui non plus. C’est Noël. 

Soudain l’image de la sacristie dévastée vient le perturber. Puis une pensée rassurante allume une flamme d’espoir « Ma foi, on va la reconstruire, plus fonctionnelle et salubre qu’avant, les bras ne manquent pas. Quant au financement, ma foi, Dieu y pourvoira puisque c’est lui qui l’a détruite ! » 

Le voilà rasséréné, et il balaie du regard l’assemblée. Il aperçoit une jeune femme toute brune, qu’il n’avait pas encore remarquée. Elle tient serrée contre elle un petit bébé, enveloppé de châles aux vives couleurs. Il lui sourit, elle lui sourit en retour. Alors il se tourne vers l’autel où tremblote la petite lumière rouge, et murmure :

– Merci mon Dieu, de nous avoir envoyé ton petit Jésus.

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Conte de Noël 2016 n°6: Méfiez-vous du Père Noël!


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Le Père Noël est une ordure, n’en doutez pas, un escroc, un imposteur, un minus habeas. Méfiez-vous de lui comme de la peste et du choléra. Ne lui ouvrez surtout pas la porte, d’autant plus que ce salaud est un monte-en-l’air qui passe par les cheminées et même les conduits de radiateur!  Verrouillez-vous à triple tour, piègez vos fenêtres, mettez des alarmes, des détecteurs de présence pour empêcher toute intrusion de l’autre fumier. 

S’il offre des bonbons à vos enfants, sortez le fusil: c’est un dangereux repris de justice condamné et récidiviste pour incitation à la débauche papillaire. Refusez tout colis suspect et tout cadeau empoisonné. Souvenez-vous du sage principe grec: Timeo Danaos et dona ferentes : Je me méfie des Grecs et de leurs cadeaux, en l’occurrence du cheval de Troie « cadeau » qui permit aux Grecs d’entrer par ruse dans l’imprenable cité de Troie,  rasée par la suite…

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Il avait pourtant un boulot pépère et prestigieux, mais figurez-vous que le véritable Père Noël a fini par en avoir ras le bonnet des mioches et de leurs caprices, de la gymnastique infernale pour faire du traîneau à six ruminants aussi élégants qu’idiots, sans compter les descentes et les montées en rappel dans les tuyaux comme un vulgaire petit ramoneur! Il en avait eu sa claque et sombrait tous les jours un peu plus dans la dépression et la bière de Noël. Au point que les autorités concernées cherchèrent un Père Noël par intérim, en attendant que celui-ci revienne à la raison et à l’eau gazeuse. 

Il n’y eut pas tant de candidats que cela pour prendre le poste. Ce n’était pas mal payé mais les contraintes étaient aussi lourdes que les paquets dans le traîneau. Seul un candidat fit l’affaire, un certain Périclès Noël: ça se s’invente pas. Il était chauffeur-livreur de pizzas, un plus essentiel car il faut bien l’avouer, le job est surtout un travail de coursier et de chauffeur-livreur. Il avait un fort accent corse mais il n’était pas là pour faire la conversation. Il avait déjà gardé des chèvres et l’on en déduisit qu’il pourrait venir à bout d’une demi-douzaine de rennes. Pour le physique, il était bien un peu gringalet et portait une barbe qui aurait plutôt convenu à un bouc. Mais on n’allait tout de même s’arrêter là pour si peu. On rembourrerait la houppelande et on ajouterait  des postiches.

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Seul petit problème: Périclès Noël avait une haleine de renne, de phoque ou de tout autre animal pue-de-la- gueule. Comme il fumait comme une caserne de sapeurs-pompiers, il refoulait du goulot une odeur de tabac froid absolument immonde. Pas une mouche ne serait approchée à moins de dix mètres pour avoir une chance de survivre. Pas sûr , dans ces conditions, que les marmots ne prennent pas leurs jambes à leurs cous, ne se cachent dans un trou de souris ou ne se laissent pousser des ailes, histoire de fuir la fétide haleine ennemie… Certes, on peut se mettre du pshitt-pshitt parfumé à l’essence d’aloé vera ou à la menthe poivrée de Mongolie mais il aurait fallu prévoir un chariot supplémentaire pour avoir assez de bombes aérosols sous la main. 

Autre petit problème pour lequel trouver une solution était encore plus délicat: Périclès Noël avait un rire suraigu de crécelle asthmatique. Et il riait pour un oui, pour un non, pour un peut-être, et surtout pour rien du tout. Ce rire d’idiot du village finissait par mettre tout le monde mal à l’aise. Au premier essai, l’attelage des rennes s’était emballé, par une peur irrationnelle d’un son inconnu et plus ou moins démoniaque. C’est dire qu’avec un tel Père Noël , cette tournée s’annonçait plutôt mal barrée et, de ce côté-là, on n’a pas été déçu.

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Ah, j’allais oublier: il portait des tatouages jusqu’au bout de chaque doigt et un truculent « Mort aux vaches! » qui l’obligerait à ne pas enlever ses gants. Son costume très couvrant permettait de dissimuler aussi toutes ces marques indélébiles mais, au total, Noël Péricles flottait dans le costume et ses 45 kilos , barbe comprise,  laissaient à penser qu’il avait attrapé une saloperie avec une lapone à vertu réduite . Mais il fallut bien, cette année-là, faire bon gré contre mauvaise fortune. Après tout, il ne s’agissait que d’un travail de représentation et de livraison expresse pour une journée et une nuit. Il serait épaulé par une armée de lutins recrutés en Chine pour des raisons d’économie. Seuls les rennes avaient été reconduits dans leur fonction, toujours aussi bêtes à manger du foin, mais tellement élégants…

Cette tournée du Noël Périclès commença par d’inévitables séances photos dans les galeries commerciales. Combien de fois s’est-il fait rembarrer en demandant benoîtement : « Alors qu’est ce que tu veux comme cadeau cette année?  » Que de scepticisme dans les yeux des marmots qui s’étaient appliqués à recopier des listes longues comme le bras la semaine précédente… A croire qu’il ne savait pas lire ou qu’il avait la même mémoire gruyère que mamie… Les gosses, c’est impitoyable… Ils l’étaient encore plus quand ce Père Noël-là tentait de faire du troc ou du chantage, de les rabaisser en leur parlant de leurs résultats scolaires insuffisants ou en leur rappelant de manière incongrue les incivilités et autres actes répréhensibles comme le jour où ils avaient attaché une casserole à la queue de Minou ou caché les lorgnons de Grand Papa dans le vide-ordures. Eh oui, tous les enfants ne peuvent pas être des enfants modèles, des parangons de vertu et de sagesse…

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Mais Noël Péricles se montrait aussi fort injuste en favorisant les chenapans pour qui il avait une tendresse particulière: ça lui rappelait sa jeunesse particulièrement agitée. Il faisait aussi des propositions plus ou moins douteuses du genre: « Si ta mère m’achète une photo, tu auras plein de bonbecs. Si elle m’en prend deux, tu trouveras ton jeu video préféré dans ton petit soulier. Si tu me donnes le numéro de portable de ta jolie maman, tu auras carrément la dernière console que tous te copains t’envieront. » Noël Périclès était aussi porté sur tout ce qui portait jupe ou robe courte, talons aiguilles, voire porte-jarretelles en dentelles. Et il insistait pour que les mères accompagnassent leur mouflet sur la photo, chacun sur un de ses genoux… Il évita de justesse quelques baffes pour avoir rendu hommage à quelques postérieurs trop mignons. La présence des enfants permit aussi d’éviter des scandales publics… Il était plus que temps que Périclès Noël prenne son traîneau à son cou et aille livrer illico une montagne de paquets.

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Impeccable comme chauffeur . Il prenait un malin plaisir à mener le traîneau à fond de train qui, pour l’heure, ne traînait pas du tout et risquait tout juste de se désarticuler à force d’être au maximum. Il crevait les rennes qui commençaient à en avoir plein les sabots et ruminaient une vengeance. Ca dérapait dans les virages, accélérait de nouveau à la Hussein Bolt : ça, pour tenir les délais, on tiendrait les délais, en tirant la langue. Et même une double ration de picotin ne pouvait apaiser la colère des cervidés qui en avaient plus que ras les bois.

Comme livreur, Périclès Noël, compte tenu de son gabarit, n’avait aucun mal à faire des descentes et des remontées de cheminées. Il en profitait pour se gaver de petits gâteaux et autres sucreries que les enfants avaient laissé à son intention, histoire de s’attirer ses bonnes grâces. En revanche, il délaissait le verre de lait et furetait un peu partout, histoire de trouver un petit remontant qui l’aiderait sûrement à ressortir par le canal cheminée. Et de songer à une reconversion lucrative comme ramoneur, compte-tenu du nombre de propriétaires négligents qui laissaient la suie s’accumuler. ..

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Les choses se gâtèrent définitivement en fin de tournée, plus précisément dans le petit village breton de Ker Breitz, entre Vannes et Saint Malo.  Les rennes étaient sur les dents, transpirant comme des boeufs de boucherie se rendant à l’abattoir. Péricles Noël était heureux d’en avoir presque fini et de pouvoir aller se pieuter dans son lit douillet. Encore quelques cheminées à se farcir et ce serait la quille. Il avait mis de côté quelques cadeaux trop sympas et qu’il n’aurait jamais pu se payer, à toutes fins utiles. Allez, zou, encore une  descente en rappel mais, à mi-hauteur du conduit, impossible de passer. C’était bouché. C’était bouché et ça râlait! Finalement, ça se dégagea et on atterrit tant bien que mal au pied de la cheminée et du sapin.

Et là, ô surprise! Périclès Noël se trouva nez à nez avec deux autres individus éminemment suspects, Santa Klaus et Saint Nicolas! 

  • -Qu’est-ce que tu fiches là, Klaus Barbie ? Ici, c’est mon secteur. Retourne chez toi avant que je te lâche les rennes au cul!
  • -…
  • -Et toi, tu m’as l’air autant saint Nicolas que moi la Princesses de Clèves. Tu as plutôt la tête de Pervère Pépère…
  • -Ne te fâche pas comme ça. D’ailleurs, on se connaît, non?
  • -D’où ça on se connaît?
  • -De Fleury.
  • -Fleury-Mérogis? 
  • -On était voisins de chambrée…
  • -Maintenant que tu me le dis… Ta tête, en effet, ne m’est pas inconnue. Mais j’en ai visité un certain nombre de zonzons: à force, je confonds…
  •  -Moi, j’ai aussi fait Fleury mais surtout Borgo en Corse et Andenne et Virton en Belgique. Saint Nicolas ça voyage. Fleury, ça craint…
  • -Eh bien compagnons de galère et d’infortune, je vous propose de fêter ça! Noël, c’est sacré. C’est moi qui régale: on va bien trouver de quoi se rincer le gosier ici…

Ils trouvèrent. Pour trouver, ils trouvèrent et surtout ils vidèrent, ils éclusèrent jusqu’à plus soif. Si bien que le lendemain matin, les propriétaires trouvèrent , à leur tour, le trio d’ivrognes dans un état semi-comateux, ronflant comme des sonneurs. Il n’y eut aucune pitié eu égard à leurs statuts d’autant qu’ils avaient sali la moquette en vomissant un peu partout. La cavalerie en bleu embarqua les complices qui passèrent le reste de la journée en cellule de dégrisement. En comparution immédiate, ils furent condamnés à rembourser  et purent récidiver pour le début janvier en se faisant passer pour … les Rois Mages! Méfiez-vous donc du Père Noël mais aussi des Mages : ce sont aussi eux qui apportent des cadeaux. S’ils se gavent de galettes et monnayent des fèves, n’hésitez pas à les neutraliser, par précaution, sur le moindre doute: on n’est jamais assez prudents… Ce sont les mêmes qui vous proposent ensuite des crédits gratuits et revolving. On commence avec une boîte de cachous à la sortie de l’école et on ne peut jamais savoir où ça s’arrête…

Conte de Noël 2016 n°5 : « La véritable histoire du Père Noël » de Martine Dardenne (blog Planète Opalie)

la véritable histoire du père Noël

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A ne pas raconter aux enfants….

Après sa journée de labeur, chaque soir du mois de Décembre, le vieux monsieur de Laponie se tord de rire devant sa télévision. Pour rien au monde il ne manquerait toutes ces publicités qui montrent ses sosies dans chaque pays. Des maigres, des gros, des jeunes, des vieux, des pères Noël en moto, en hélicoptère, déguisés en vert, en jaune, en bleu….Et même certains affublés d’une « mère Noël » ! Comme si sa femme accepterait de le suivre, elle qui est si casanière ! …

Non, il n’en est rien de tout cela. Voici comment l’histoire a commencé.

Il y a bien longtemps, l’arrière arrière arrière grand-père du vieux monsieur de Laponie, trouvait la nuit polaire bien longue et s’ennuyait. Il s’était alors mis en tête de fabriquer des jouets puis de les distribuer à tous les enfants de son petit village finlandais. En échange, les parents lui offriraient sans doute des victuailles, pour lui et son troupeau de rennes. Ils lui couperaient son bois, car lui se sentait fatigué pour une telle besogne.

Et c’est exactement ce qui arriva. ….Cette heureuse initiative avait un si grand succès que les années suivantes, ce brave homme dut appeler les jeunes du village pour lui donner un coup de main.

Cette fabrique artisanale avait pris une grande ampleur car elle avait fait écho dans les villages voisins et tous les enfants réclamaient leur jouet à l’approche de Noël. Bientôt, l’ancêtre dut organiser des livraisons. Alors il mit six de ses rennes à contribution et remplit son traineau avec les paquets cadeaux contenant les précieux trésors. Puis il partait la nuit du 24 Décembre, emmitouflé dans son manteau de laine rouge, sa fourrure d’ours sur les genoux.

« Ho ho ho », criait-il à l’entrée de chaque village, afin de freiner son attelage. Les enfants l’entendaient et les petits coeurs battaient d’émotion, se demandant quelle serait leur surprise. Les parents préparaient parfois du vin chaud pour le vieillard ; ils le trouvaient bien courageux de se promener la nuit par moins 30 degrés, rien que pour le plaisir des enfants…
C’est ainsi que naquit la tradition.

Vers les années cinquante, des touristes américains eurent l’idée saugrenue de partir en vacances en Laponie. Après avoir éprouvé les sensations du traineau sur les immensités neigeuses, après avoir admiré les élevages de rennes, après avoir frissonné au chant des loups, ils visitèrent l’atelier des jouets et furent émerveillés. Le guide de l’agence touristique leur expliqua l’historique. Et naturellement, dès leur retour en Amérique, l’idée d’en faire un business se répandit très vite.

Le vieux monsieur de Laponie fut très étonné de son succès grandissant. Bientôt il commença à recevoir des tonnes de courrier en provenance de la planète entière. Ne parlant que le Finnois, il ne comprenait rien à toutes ces langues étrangères et dut embaucher un traducteur. Sur chaque enveloppe était écrit « père Noël » ou bien « Christmas father » ou encore « joulupukki » et ces appellations le faisaient bien rire.

Des enfants de tous pays lui écrivaient des lettres pleines de gentillesse, qui s’avéraient être de véritables bons de commandes pour des jouets. Le vieil éleveur de rennes ne se sentait pas le cœur de les décevoir et créa une véritable usine de fabrication, au milieu des sapins. Il embaucha comme ouvriers, tous les lutins de la forêt. Et comme il se faisait très vieux et fatigué, il eut la sagesse d’enseigner le métier à son fils, qui lui-même apprit le métier à son propre fils.

Les années, les décennies passèrent… Le petit village finlandais prospérait car chacun tenait un rôle important dans la fabrique de jouets : bûcherons, ébénistes, sculpteurs, peintres, magasiniers, tous travaillaient pour la même cause. Bientôt, l’usine tourna toute l’année, faisant vivre la population à un rythme effréné.

Aujourd’hui, le vieux monsieur de Laponie est le septième de sa génération. Chaque année au mois de Décembre, les lettres lui parviennent et le traducteur lui explique les commandes. Cependant, il lui est très difficile de satisfaire les enfants de notre époque ; ceux-ci lui demandant des choses impossibles, des jouets qu’on ne peut fabriquer avec du bois !

Il est loin le temps où son ancêtre sculptait minutieusement ses pantins et ses tambours pour les enfants du village…Désormais il est contraint de passer commandes à des prestataires japonais ou chinois, afin de fabriquer les jeux sophistiqués qu’il ne connait pas, sauf en publicité à la télévision.

Lorsqu’ il regarde les émissions célébrant sa notoriété, il est un peu triste de voir toutes ces mascarades, ces montagnes de jouets qui finiront dans les poubelles. Le vieux monsieur de Laponie est dépassé par les évènements. Le progrès va trop vite pour lui ; les enfants grandissent trop vite. D’ailleurs, les enfants existent-ils encore ? Il se le demande parfois…

Un jour de grand blues, il songea à se reconvertir et à fermer l’usine de jouets ; mais les lutins se révoltèrent et menacèrent de se syndiquer. Les habitants du village manifestèrent leur désaccord en encerclant l’usine.

Même les rennes tapèrent violemment du sabot. Car il faut les voir, comme ils piaffent d’impatience tous les 24 Décembre avant de s’envoler dans la nuit étoilée, au-dessus des villes et des villages de la terre entière…

Face à une telle pression, un tel désarroi, un si beau témoignage d’amour, le père Noël se dit : « Je ne peux détruire une si belle légende »…

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Contes et nouvelles de Noël 2016: Jérome et le calendrier de l’Avent

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Qui est capable de ne pas succomber à la tentation? Quel enfant de 9 ans saurait patienter 24 jours devant son calendrier de l’Avent? Est-il humain de soumettre un enfant gourmand au plaisir sadique de ne lui permettre d’ouvrir une seule fenêtre par jour pour retirer un pauvre chocolat? Faut-il être de la race en voie de disparition des Enfants sages, des robots ou des diabétiques ayant perdu le sens du goût pour combattre l’appétence naturelle pour le chocolat et les sucreries ?

Cet être-là, cela n’était assurément pas le cas du sieur Jérôme qui compensait déjà une légère tendance à l’embonpoint en s’empiffrant de gâteaux et de chocolats. Alors, quand il reçut solennellement, avec toutes les recommandations d’usage invitant à la modération stomacale, vous pensez bien que ce jeune homme en fit fi allègrement. En moins d’une demi-heure, ce Gargantua en herbe avait fracturé les 24 fenêtres du calendrier et englouti leur contenu. Sans le moindre regret ou remords. Parce qu’il était naturel d’obéir à son instinct sucré. Et toc!

Son rêve? Tenir le rôle de Charlie dans Charlie et la chocolaterie de ce bon vieux Roal Dahl…. Et de kidnapper, pour l enfermer dans sa chambre, Willy Wonka, le plus important, le plus créatif et le plus inventif raffineur de chocolat au monde… En attendant, le dénommé Jérôme était barbouillé de chocolat comme jamais et les doigts pris dans le pot de Nutella. Afin de masquer son forfait, il passa par la case salle de bains. Il laissa ses empreintes un peu partout à l’insu de son plein gré. Pas toujours simple d’être goinfre…


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Ne s’improvise pas non plus chapardeur qui veut…. Une fois débarbouillé tant bien que mal, il s’agissait pour Jérôme de dissimuler son forfait  sur le calendrier de l’Avent. Pas question que ses parents découvrent la supercherie et ne le prive de la venue du Père Noël, de ses rennes et de ses lutins ainsi que de la kyrielle de cadeaux qui allaient avec. Il avait pondu une liste conséquente de joujoux et autres spécialités gastronomiques qui le faisaient saliver rien qu’en y pensant…

Il garnit donc chaque fenêtre en carton de bonbons, Dragibus et autres fraises Tagaga qu’il avait miraculeusement en réserve puis recolla les ouvertures avec un soin à peu près acceptable, en tout cas passable et cela le rendit fier. L’honneur était sauf. L’honneur, peut-être. Mais le démon gourmand ne tarda pas à se réveiller dans les entrailles de Jérôme. Un petit coin de son cerveau s’illumina d’une lumière envieuse: il se rappela tout à coup que ses parents avaient acheté le samedi précédent dans l’hypermarché local, plusieurs calendriers de l’Avent, notamment deux autres destinés à ses cousin(e)s jume(les) aux, Léonard et Léonarda, divins enfants terribles de son excellent oncle Maître Renard.

badges-pour-calendrier-de-l-avent-rouge-vert Il les aimait bien ses cousins. A sa façon. Une façon assez frappante avec volées et peignées à qui mieux mieux. Ils avaient deux ans de moins que lui mais ils étaient deux et si lui-même était plus grand et plus costaud que son âge, il n’en fallait pas moins pour prendre le dessus. La plus dangereuse, c’était elle, Léonarda, qui non seulement mordait, pinçait, griffait contre toutes les lois de la bagarre mais qui surtout criait, pleurait, gémissait avant même d’avoir pris le moindre coup! Au point que Léonard et Jérôme faisaient parfois alliance, l’un pour bâillonner, l’autre pour torturer la victime désignée à force de chatouilles….

Il ne fut pas très difficile à Jérôme de mettre la mains sur les deux calendriers de l’Avent destinés à ses cousins: les parents avaient beaucoup insister pour répéter à Jérôme qu’ils étaient intouchables et qu’on les donnerait aux intéressés si peu intéressants le soir, répondant en cela à une invitation dominicale. Un cas de conscience se présenta à notre Jérôme. Un cas de lèse gourmandise. En premier lieu, il décolla les premières vignettes du mois puisqu’on était le 4 décembre et que donc la date de péremption était comme dépassée. Il recolla les petite cases, avec une habileté croissante. Il  en profita pour avaler huit bouchées chocolatées supplémentaires, avec une dextérité d’autant plus grande qu’il n’y n’avait même pas d’emballage brillant à défaire. 

Tant qu’à faire, les cases 26 à 31 n’avaient aucune raison de compter. Re-collage. Et 12 nouveaux chocolats passés directement du consommateur au consommateur! C’était bien dommage, mais logiquement, il ne pouvait en faire plus. Logiquement. En toute illogique donc , et en moins de temps que mon cher lecteur mettra pour achever cette phrase, il dépouilla toutes les fenêtres du premier calendrier et s’enfila les bonbons chocolatés comme des perles. Il mit davantage de temps pour récupérer le nécessaire dans une de ses réserves de Dragibus et de fraises Flagada Tsoin-tsoin, sans compter quelques oeufs et quelques crocodiles puis de les substituer aux disparus. Collage en sus. 


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Tout autre que Jérôme en serait resté là avec près d’une quarantaine de bouchées chocolatées passées directement de vie à trépas et de gosier à estomac. En toute logique, la crise de foie était assurée. L’indigestion et la saturation jusqu’au vomissement ne faisaient plus de doute. Logiquement. En moins de temps qu’il n’en faudra au pauvre conteur pour terminer sa phrase, Jérôme s’attaqua au second calendrier avec une dextérité et une célérité égales à celles dont il avait fait preuve précédemment. Total et résultat: plus de soixante chocolats portés disparus corps et bien et que Jérôme remplaça par des ersatz toujours assez bons pour ses deux pestes de cousins.

Sur ce, il masqua son forfait avec plus d’application et de bonne volonté que d’efficacité. Il remit le tout à sa place et le tour était joué. Ni vu ni connu. Pas vu pas pris. cause toujours… Bien sûr la morale de l’histoire voudrait que le petit grand Jérôme finisse plié en deux à vomir dans l’évier de la salle de bains ou au-dessus de la lunette des toilettes. Que nenni! Décidément, il n’y a plus de morale mes amis dans les nouveaux contes traditionnels. Son estomac n’avait d’égal que celui des autruches. Il était tellement habitué à se gaver de sucreries, qu’il était en sorte mithridatisé.

Pour ceux qui ont la flemme  d’aller ouvrir un dictionnaire que ,ce verbe « mithridatiser » vient de ce roi grec Mithridate VI dit le Grand  qui avait peur d’être empoisonné par un entourage dont il se méfiait à juste titre. Il prenait chaque jour lui-même un peu de poison et un peu davantage au fur et à mesure pour être immunisé. Or, manque de chance, vaincu par Lucullus puis par Pompée Mithridate s’enfuit alors dans le royaume du Bosphore où régnait Macharès, un de ses fils. Mais  ses soldats  se révoltèrent et proclamèrent roi Pharnace, son fils. Alors Mithridate, voyant qu’il fallait mourir, essaya de s’empoisonner; mais, n’ayant pu y parvenir, parce que le poison n’avait plus d’action sur lui, il se fit tuer par un soldat gaulois.  Ballot, no? La mithridatisation consiste donc à ingérer des doses croissantes d’un produit toxique afin d’acquérir une insensibilité ou une résistance vis-à-vis de celui-ci. C’est le principe même de la vaccination. Vous auriez eu aussi vite fait d’aller consulter votre petit Larousse illustré, non?  Et la mithridisation au chocolat, ça le fait?


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Le gars Jérôme s’était lui-même auto-vacciné à sa manière en passant chaque jour au supermarché pour avaler sur place une ou deux tablettes de chocolat. Voire trois ou quatre. On n’est jamais si bien servi que par soi-même. Il avait repéré où se trouvaient les caméras de sécurité et allait prendre son gouter là où il n’y en avait pas, avec une prédilection pour le rayon télé-hi-fi-vidéo. Cela lui procurait l’avantage supplémentaire de regarder quelques dessins animés avant de jeter les emballages du côté des fruits et légumes ou de la poissonnerie. On est doué ou on ne l’est pas…

Même quand on croit l’être, on ne l’est pas toujours. Le dimanche soir, la belle ruse de Jérôme ne trompa que lui-même. Ses cousins dénoncèrent la supercherie sans ambages et surtout avec un malin plaisir. Ses parents et son oncle lui tombèrent dessus à bras raccourcis. Jérôme avoua piteusement , comptant sur la mansuétude de celui qui plaide coupable et de la période de pré-fête. Ce fut surtout sa fête. Punition humiliante: se déguiser en renne puis en pingouin pour le réveillon et pour le repas de Noël, assurer le service, faire la vaisselle ainsi déguisé. Sans compter qu’il devait participer à faire des bûches au chocolat avec sa mère pour les desserts des deux repas. C’est à cette occasion que se décida sa vocation de pâtissier-chocolatier-confiseur…

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