S'il te plaît, apprivoise-moi…

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Nouvelle de la Saint Valentin : Les Siamoises de Belleville (4ème partie) par Mariessourire et Maitre Renard

Line poussa de la patte sa jumelle, un air de défi dans ses pupilles rondes. Cora réagit aussitôt :  

 

« Ah non alors, même pas en rêve ! Que t’aies faim, c’est pas mon problème ! Il a dit nous, pas toi ! 

 

– Ah ouais ? Parce que tu le crois en plus ? Et que tu te crois la plus canon ? Mais que dalle ma vieille ! C’est moi qu’il a regardé quand il a causé en angliche… » se pavana Line, toute à son plaisir de faire bisquer sa sœur. 

 

Edgar toussota, très gêné d’assister à cette scène mais déjà il n’existait plus à leurs yeux.  

Cora essayait en vain de raisonner Line, mais cette dernière, ravie de jouer la provocation, en rajoutait à chaque fois davantage. 

 

« Ce que tu peux être lourde, ma pauvre fille, râla Cora. Même que ça m’en frise les moustaches ! 

 

– Faut vraiment que t’ailles voir ailleurs si j’y suis, parce que là je suis très occupée » lui répondit sa sœur en se dirigeant vers Edgar. 

 

Une Line aguicheuse vint mettre la touffe qui lui servait de queue sous les babines d’Edgar, lequel se mit à rougir instantanément tout en faisant un écart. 

 

« Miss, je vous en prie, je ne suis pas celui que vous croyez que je sois ! Votre sœur a parfaitement raison, c’est vous deux que j’aime, et non l’une plus que l’autre. Vous formez un tout si délicieusement indissociable que je ne pourrais… » 

 

Edgar s’interrompit : Cora venait de sauter sur sa sœur, toutes griffes dehors ! Il put admirer la parfaite maîtrise de la technique dite « de peignée » qu’avaient les deux minettes. C’était à tel point qu’il ne pouvait plus du tout les distinguer l’une de l’autre ! Déjà qu’en temps normal, c’était difficile ! 

Des touffes de poils semblaient sauter d’on ne sait où, et les feulements de colère ne substituaient qu’aux cris de joie. 

 

« Mes beautés, je vous en prie, calmez-vous ! Essayons de miauler comme les chats civilisés que nous sommes ! » dit Edgar, voulant calmer le jeu. Mais tout ce qu’il réussit à obtenir, c’est une mêlée tourneboulée remplie de jurons qui venaient lui écorcher les oreilles. 

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Alors il se jeta dans la bataille, voulant les séparer. Il dut user de toute sa force de matou courageux, récoltant griffures et morsures. Et au moment où il s’y attendait le moins, les deux s’arrêtèrent en même temps. Elles remirent en ordre leur pelage méthodiquement, s’aidant mutuellement à coup de langue vigoureux mais ô combien tendres. 

 

Edgar vivait un cauchemar sans nom. C’est sûr, il allait se réveiller ! Rien ne se passait comme il l’avait imaginé, et même dans son imagination la plus terrible, il n’avait osé penser vivre cet enfer émotionnel. Rien n’allait plus. Elles s’étaient sévèrement disputées et là, sous ses yeux ébahis, elles semblaient se réconforter mutuellement.  

Qu’en penser ? Que faire ?

( à suivre)

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MARIESSOURIRE ESSENCE D’ÉMOTIONS

L’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien que par le coeur…

Nouvelle de la Saint Valentin : Les Siamoises de Belleville (3ème partie) par Mariessourire et Maitre Renard

 

Décidément ces filles étaient un cauchemar. Mais pas seulement.  

«  Vous avez tout de même daigné vous intéresser à moi quand je vous ai demandé : « Puis-je vous être utile ? » Vous sembliez un peu perdues… 

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– Nous ne sommes jamais perdues. Nous sommes nées ici. C’est notre territoire. 

– On le connait comme les poches que tu as sous les yeux. Mais nous avons été sensibles à ta proposition. On avait peut-être un petit coup dans le nez et on est assez grandes pour nous défendre… A la limite, celui qui craignait, c’était toi…  

– Mais je suis un gentleman, vous le savez. Je vous ai invité à dormir dans mon château, mon si doux foyer.  

– C’est vrai que tu ne t’es pas moqué de nous. Nous avons roupillé comme des reines. C’est très cosy et très confortable chez toi, avec feu de cheminée et tout et tout… 

– On s’est dit qu’après tout, tu n’étais pas si cave que ça, un pauvre branque et que tu pourrais toujours resservir. 

– Trop aimable !

– Voyons, ne te fâche pas. C’était presque un compliment. Tu sais, à Belleville, il n’y en a pas beaucoup des comme toi. Nous sommes cash, directes mais il n’y a pas de malice. Enfin, ce qu’il faut… Ne pars pas en vrille à tout bout de champ… Un peu d’humour et d’autodérision, que Diable. Tu as toujours l’air coincé, rigide comme si on t’avais collé un balai dans le troufignon : détends-toi, cool, respire: on ne va pas avaler ton ronron… 

– Vous savez, je crois que vous avez raison et votre remarque m’aide un peu. Je n’arrive pas moi-même à comprendre ce qui m’arrive. C’est si étrange, si irrationnel. Même si je n’avais aucun atome crochu pour vous au début, vous avez su piquer ma curiosité et -oserai-je l’avouer?- m’attendrir, puis finalement me faire craquer. In short, I love you. Je crois. désolé. 

– Pourquoi en short ? dit Cora 

– Idiote, c’est de l’angliche. En bref, il nous aime, expliqua Line. 

– Il aime qui ? Toi ? Moi ?  

– L’une et l’autre je le crains, ajouta Edgar en baissant les yeux.  

Toutes deux se regardèrent et se mirent de conserve à pouffer de rire. 

« Ca, c’est la meilleure ! 

– Celle-là , tu nous la copieras ! »

Cora et Line se regardèrent n’en croyant pas leurs moustaches. Ce beau matou qu’elles avaient essayé d’épingler à leur tableau de chasse, était à leurs pieds. Chat alors ! Et c’est au moment où elles ne le calculaient plus qu’il se déclarait… et quelle déclaration ! 

Line poussa de la patte sa jumelle, un air de défi dans ses pupilles rondes.

 

( à suivre)

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MARIESSOURIRE ESSENCE D’ÉMOTIONS

L’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien que par le coeur…

Nouvelle de la saint Valentin: « Les Siamoises de Belleville » (2ème partie) par Mariessourire et Maitre Renard

 

Tout aurait pu en rester là. Tout aurait dû en rester là. Vous passiez nuitamment : je ne pouvais guère m’en formaliser. Sauf que… Sauf que je crus voir double. Ce n’était pas une ombre mais deux, ou plutôt deux fois la même ombre qui me passa sous les moustaches. Vous me vîtes sans doute mais, avec la même sorte de dédain hautain ou aristocratique, vous fîtes comme si je n’existais pas, comme si j’étais une statue plantée dans le décor, négligeable.  

 .

Vous étiez bien deux, indissociables, jumelles, siamoises pour tout dire et seul l’intensité du bleu de vos regards peut vous distinguer. Encore faut-il bien vous connaître. Et je ne vous connaissais pas du tout. Dois-je remercier le Seigneur de vous avoir mis sur ma route, pour le meilleur ou pour le pire, telle est la question ?  » 

 .

Les deux sœurs eurent un sourire énigmatique que n’aurait pas renier Mona Lisa elle-même. Elles ne voyaient pas bien où Edgar voulait en en venir mais cela n’avait guère d’importance : que cet Edgar était étrange et distrayant. Il avait l’air de débarquer d’une planète lointaine et poussiéreuse mais il valait son pesant de croquettes! 


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Edgar perçut qu’elles se moquent gentiment de lui et cela accentua sa maladresse. Un instant, il se demanda s’il devait s’arrêter là et trouver un prétexte pour rentrer sous terre ou dans le premier trou de souris venu… Las, il se décida de continuer, d’aller jusqu’au bout de son calvaire, de gravir le Golgotha et boire le calice jusqu’à la lie s’il le fallait mais il en aurait le cœur net… Quitte à se couvrir de ridicule, autant être habillé pour l’hiver… 

 .

«  Autant vous dire que votre apparition ne provoqua pas la moindre émotion non plus en moi. Enfin si… non… Ce n’est pas ce que je veux dire…  Je veux simplement dire qu’à ce moment-là votre indifférence m’indifférait ou bien que j’étais aussi indifférent que vous l’étiez à mon égard. Suis-je assez clair? » 

 .

Elles ne répondirent pas  directement, trouvant un plaisir certain à le laisser « pédaler dans la Blédine  et le Kit et Kat » suivant une de leurs expressions favorites de leur crû.  Elles se contentèrent d’un vague signe de tête qui voulait tout dire et le contraire de tout. Mortifié, Edgar se lança comme s’il devait se lancer dans le vide. Certes, il retomberait toujours sur ses pattes mais dans quel état ?  

 .

«  Vous ne m’avez même pas répondu quand je vous ai salué poliment! On aurait dit que j’étais de la pâtée pour chiens à vos yeux… 

 – C’est que nous ne parlons guère aux inconnus… On est plutôt du genre à leur donner des peignées!  Pour tout dire , nous revenions d’une soirée assez agitée et nous avions d’autres chats à fouetter… Nous étions en maraude pour nous trouver un abri ou une planque pour la nuit. Nous avions autre chose de plus urgent à faire que de compter les étoiles…  

 –  Mais je contemplais la lune bosse ! A ce propos , je vous ai composé un poème pour célébrer ce moment… Voulez-vous que je vous le déclame?  

 – Non merci, sans façon. 

– On n’aurait pas un sanglier sur le feu ? » 

.

 Le bide. Le râteau. Edgar se liquéfia davantage encore s’il était possible. Il compter les épater… Il s’était pris les pattes dans le tapis ! Mais bon, une fois à bord du Titanic, autant  jouer « La marche funèbre » sur le mode mineur… Décidément ces filles étaient un cauchemar. Mais pas seulement.  

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( à suivre)

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Mariessourire essence d’émotions

L’essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien que par le coeur…

Nouvelle de la Saint Valentin: « Les Siamoises de Belleville » de Mariessourire et Maitre Renard (1ère partie)

Les Siamoises de Belleville

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« J’ai une déclaration à vous faire, indiqua gravement Edgar, dans son plus soyeux costume roux, brossé avec le plus grand soin pour la circonstance. J’ai une déclaration difficile à vous faire, sans doute la plus compliquée que je n’ai jamais eu à faire jusqu’ici. Je n’ai guère l’habitude des mots.  

Vous avez beau vous-même vous gausser gentiment de moi, en faisant patte de velours, de ma bonne éducation, de ma délicatesse d’un autre temps comme vous vous plaisez à me le répéter, bref de ma maladresse, de ma timidité sans doute, de ma naïveté congénitale peut-être ; mais  ce que j’ai à vous avouer ne saurait être différé davantage. Me voici au pied du mur et de la gouttière. » 

 

Son auditoire cacha à peine sa surprise. Avec lui, on pouvait s’attendre à tout. Edgar était décidément trop chou à force d’hésitations protocolaires, de tergiversations à répétitions, d’atermoiements et de bienséance surannée. Et d’ouvrir des quinquets comme des soucoupes , de pointer les oreilles comme des radars espions pour ne pas perdre une miette après ce préambule alambiqué.  

 

« Vous n’ignorez pas combien notre rencontre fut accidentelle, imprévisible, improbable même. Jamais je n’ai imaginé rencontrer des êtres comme vous. Mon monde est délicieusement casanier, sédentaire comme si le summum de l’existence consistait à ronronner au coin d’un doux foyer. Votre monde à vous n’est qu’aventure, courses folles, vadrouilles. Mais ce soir-là, allez savoir pourquoi, je n’avais pas envie de dormir et j’allais contempler philosophiquement la lune  bosse sur la terrasse. C’est alors que je vis passer votre ombre, que je la vis glisser comme Fantômette, sans un bruit, sans même un frémissement, entre chien et loup. 

 

Tout aurait pu en rester là. Tout aurait dû en rester là.

 

(à suivre)

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