S'il te plaît, apprivoise-moi…

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Poésie: Derrière les barreaux

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Derrière les barreaux

Quel prix pour la liberté?
Chaque jour, il faut frayer son chemin
escalader les montagnes,
éviter les embûches,
écarter les barreaux.

La liberté est toujours conditionnelle,
une bouffée d’air pur,
une échappatoire provisoire.
Elle se perd si facilement…
Quand on l’a, on l’ignore,
on pense qu’elle est donnée.
Non mais…
Elle se conquiert
Elle est rebelle
infidèle
cruelle, pourquoi pas.

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La liberté est un cavale farouche,
une chatte capricieuse
un fruit doux-amer
qu’on ne croque que du bout des dents.
Elle est une bouche qui se refuse,
des lèvres qui entr’ouvrent
et restent suspendues,
une langue qui se tire et
se retire comme une vague qui s’éclate.

Jamais la Liberté ne s’attrape,
elle fuit entre les doigts
comme le sable ou l’eau.
Essaie seulement de l’apprivoiser
ou mieux,
laisse-toi t’attraper par elle.
c’est une compagne qui te donnera des ailes,
qui te fera sauter les frontières
qui te libèrera au plus profond
et au plus humide des cachots.
Là-bas encore, tu pourras écrire son nom.
Elle t’apprendra l’Espérance
et fera que jamais plus tu ne seras
un prisonnier.

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Poésie: Laisse passer mes rêves



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Laisse passer mes rêves

A Sara, de Montevideo (Uruguay)
pour son remarquable blog biblioteca62

Laisse passer mes rêves,
mes songes, bons ou mauvais:
qu’ils vagabondent en liberté!

Ne retiens surtout pas les mauvais:
ils présagent les dangers
comme signaux de fumée.
Ce sont des fantômes pittoresques,
des armées d’ombres cauchemardesques,
étranges, dérangeants,
qui ne terrorisent que les enfants.

Ces rêves-là sont gourmandises
à qui sait les apprivoiser.
Laisse l’imagination cavaler,
appaloosas indomptables.

Ne  brise pas mes songes comme tu as brisé tes jouets.
Ils ont vécu avec toi, ils vivront encore après.
Ils se nourriront de souvenirs et toi de regrets.

Fais de beaux rêves, cours après eux.
Ils te feront grandir et peu importe le prix à payer.
Tu n’es pas ce que tu as,
encore moins quand tu dois le mendier.
Tu passeras comme le songe d’un songe,
un pauvre mensonge, aussitôt évanoui.

Capte la seule chose qui vaille,
perfide araignée,
capte la Liberté, la vraie,
celle qui , farouche, ne s’achète jamais.
Tu étais si belle quand tu le savais,
tu étais si belle quand tu savais donner.
Ce sont tes rêves que tu as trahis.

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Deja pasar mis sueños

A Sara, de Montevideo (Uruguay) para su blog notable biblioteca62

Deja pasar mis sueños, mis sueños, buenos o malos:
¡ Qué vagabundeen en libertad!

No retengas sobre todo los males:
Presagian los peligros como las señales de humo.
Son fantasmas pintorescos, ejércitos de sombras de pesadilla,
Extraños, dérangeants, que aterrorizan sólo a los niños.

Aquellos sueños son golosinas
A los que sabe domesticarles.
Deja la imaginación correr, appaloosas indomable.

No quebrantes mis sueños como quebrantaste tus juguetes.
Vivieron contigo, todavía vivirán después.
Se alimentarán de recuerdos y tú de pesares.

Haz bellos sueños, corre después de ellos.
Te harán crecer y poca importancia tiene el precio que hay que pagar.
No eres lo que tienes, todavía menos cuando debes mendigarlo.
Pasarás como el sueño de un sueño, una pobre mentira, en seguida desvanecida.

Capta la sola cosa que valga, pérfido araña, capte la Libertad, la verdadera, la que, feroz, jamás se compra.
Eras por muy bella cuando lo sabías, eras por muy bella cuando sabías dar.
Esto son tus sueños que traicionaste.

Chanson amoureuse pour Marie: « J’écris ton nom » les Enfoirés

Poésie: « Le Bateau ivre » d’Arthur Rimbaud



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Le Bateau ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots !

Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

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Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d’astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;

Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l’amour !

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir !

J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !

J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !

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J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l’assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces,
Et des lointains vers les gouffres cataractant !

Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés des punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

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J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.
− Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux…

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d’azur ;

Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;

Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l’Europe aux anciens parapets !

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J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
− Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ?

Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
O que ma quille éclate ! O que j’aille à la mer !

Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesse, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.

Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

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