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Contes et nouvelles de Noël 2016 n°3: Le Père Noël se prend les pieds dans le tapis



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Le Père Noël se prend les pieds dans le tapis

Faut pas croire: le Père Noël n’est pas toujours ce bonhomme bienveillant et aussi doux que sa barbe allant livrer les joujoux partout dans le monde dans la nuit du 24 au 25 décembre… Foin des images d’Epinal! Bien sûr, nous ne dévoilerons pas tout d’un personnage sacré de l’enfance, qui mérite  notre indulgence, mais quand même…

D’abord – mais c’est plus un secret de Polichinelle qu’un secret d’Etat- il n’y a pas un mais des Pères Noël qui se relaient discrètement: un seul homme, fût-il un surhomme, ne suffirait pas bien sûr à cette tâche titanesque. Ce n’est pas le Père Chrono Express qu’il faudrait être mais avoir un super méga  don d’ubiquité pour livrer quelques milliards de colis en quelques heures ! Quand on voit ce que met la Poste pour livrer un malheureux colis… Parfaitement invraisembable. Rétablissons la vérité, au moins en partie.

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Intéressons-nous à un seul de ces Pères Noël, le Père Noël le plus malchanceux de tous, le roi de la guigne, le parfait looser, le Pierre Richard des Pères Noël.  Le poissard par excellence, incapable de faire un pas sans se prendre les pieds dans le tapis, fut-ce un tapis de neige. A croire qu’il avait avalé une portée de chats noirs et qu’une échelle lui tombait tous les matins sur la houppelande en sortant de sa tanière. Il collectionnait pourtant tous les gris-gris, les trèfles à trois feuilles, les pattes de lapins myxomatosés, les cordes de pendus par les pieds, les coccinelles asthmatiques… En vain. La malchance lui collait aux bottes et aux basques comme la vérole sur le bas clergé. 

Remarquez, il n’officia qu’une saison. Et pour cause. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Ca n’a pas voulu et ça ne pouvait pas vouloir. La tuile ambulante pour une toiture de château. Ce jour-là, il se leva du pied gauche et en profita aussitôt pour se cogner le petit orteil droit dans son foutu fauteuil bancal sur lequel il n’osait plus s’asseoir.  « Ouille, ouille, ouille, aïe, aïe, aïe!!!! » furent les seules paroles que nous pouvons décemment rapporter ici. Pourtant ce Père Noël avait un langage fleuri et de pittoresques jurons où il était notamment question d’empapaoutage de rennes et d’une reprise intégrale du répertoire du capitaine Haddock… Tant pis pour vos chastes oreilles, votre imagination sournoise fera le reste…

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Comme les avions de Dassault, les emmerdes viennent en rafales. Il s’ébouillanta avec  son café qu’il refila au chat. Le matou matois envoya dinguer le bol qui, pas de bol justement, se brisa en vingt-six morceaux (pourquoi donc toujours en mille morceaux?) . Un retors vingtième morceau se planta dans le pied nu de Jojo la déveine, le Père Guignard. Bon pied, bon oeil et donc mauvais pied, mauvais oeil: le dicton se vérifia puisqu’il se fourra la brosse à dents malencontreusement dans son oeil démélaïsé puis laissa tomber ses lorgnons. Résultat, il dut prendre sa paire de rechange qui n’était plus tout à fait à sa vue…

Jurant par tous les saints et priant le Seigneur de l’oublier, il se dit qu’il fallait mieux partir de là au plus vite. La poignée de porte de la maison lui resta dans la main. Il alla chercher son équipage de rennes dans la remise-garage: tout semblait allait mieux. Il partit au petit trot mais s’aperçut au bout d’un kilomètre qu’il semait les paquets du traineau comme le Petit Poucet. Les lutins avaient mal arrimé lesdits  paquets et il lui fallut rebrousser chemin vitesse grand V, histoire de ne pas se faire piquer une partie de son chargement…

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Il arriva ainsi tant mal que bien à destination : sa première chaumière à livrer. C’était une somptueuse chaumière, merveilleusement blottie au milieu d’un bois de bouleaux bizarres. Il se sentit envahi par le doux foyer familial, un cocon de douceur et de partage. Il soupira de plaisir en enjambant la cheminée. Non, non, perdu, il ne resta pas bêtement coincé dans la cheminée… Remarquez, il aurait pu mais il passa de justesse. Il se sentit de plus en plus envahi par la chaleur ambiante. Il faut dire qu’il atterrit sur des braises encore fumantes et qu’il s’aperçut que la chaumière s’était modernisée: elle était équipée d’un insert !  Impossible de sortir pour déposer un cadeau…Il était en train de se faire rôtir les arfions comme une nouvelle Jeanne d’Arc, au risque de finir comme elle au bûcher…

Il commençait à étouffer sérieusement et, pour pouvoir remonter plus aisément, se débarrassa de sa houppelande et de son pantalon. Heureusement que personne ne pouvait le voir avec son caleçon orné de délicieuses petites cerises… Il était en train de se hisser vers la sortie grâce à la technique dite de la « reptation dorsale verticale », quand il entendit une alarme se déclencher dans la chaumière qui n’avait rien de humble. Etait-ce un de ces fichus détecteurs de fumée ou une de ses alarmes anti-intrusions sophistiquées? Toujours est-il qu’il y eu un branle-bas de combat dans la casbah. Quand il sortit de la cheminée, il aperçut des lumières bleues de gyrophares puis un projecteur fut braqué sur lui… Il était fait comme un claquos de supermarché low cost! Tu parles d’une Kinder surprise!

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Les pandores avaient été avertis et – honte suprême !- , il dut descendre les mains en l’air et en caleçon à cerises du toit. Il vit aussi qu’on était en train de verbaliser ses rennes et de les emmener à la fourrière. Il eut beau protester: une plainte avait déjà été déposée pour effraction, exhibition publique, outrage aux bonnes moeurs, défaut de permis de conduire et même impossibilité de présenter une carte d’identité ou un passeport. On le soupçonna même d’être un immigré déguisé en Père Noël….

Saperlipopette! Y’a des jours comme ça… Pour lui d’ailleurs, c’était tous les jours comme ça… Il se retrouva au poste sine die et en caleçon à fleurs . Il passa la nuit avec un clochard, un pochtron avec lequel il partagea un coup de rouge…On ne pouvait guère tomber plus bas. Si, lui, se cassa la figure de sa couchette et on dut le plâtrer  avec une fracture double tibia-péroné. 

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Evidemment, comme on n’avait aucune nouvelle de lui, on le remplaça en Haut-lieu par des intérimaires et des remplaçants d’intérimaires et il aurait été licencié si on avait pu le retrouver. Mais il ne rentra jamais chez lui. Il ne voulut plus jamais entendre parler de Père Noël, de neige, de cadeaux et de tout le toutim. Il s’embarqua avec son nouvel ami Pochtron à bord d’une goëlette pour l’autre bout du monde, vers les mers chaudes et les Marquises, là où ont terminé leurs vies Gaugin et Brel.

D’aucuns prétendent que leur voilier coula heurté par un container égaré ou que les deux nouveaux compères  finirent sous la dent d’autochtones  aux îles Caïmans mais peut-être, finalement, ont-ils déjoué leur mauvais sort et vivent-ils  en tongues et en caleçon à fleurs d’hibiscus à l’autre bout du monde. Les Pères Noël noirs , ça ne pouvait pas durer jusqu’à la fin des haricots surgelés… Au moins là-bas, sur le sable, plus de tapis à redouter…

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