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Figures féminines de Corse n°2: Colomba

Colomba est une nouvelle de Prosper Mérimée, parue le 1er juillet 1840 dans la Revue des deux Mondes puis publiée en volume en 1840 chez Magen et Comon.

 

Colomba a pour thème la vendett1, guerre privée de vengeance entre familles qui se « faisaient elles-mêmes justice », et dans le cadre de laquelle la famille dont un membre avait été offensé se devait d’exercer sa vengeance contre la famille de l’offenseur.

Résumé

Colomba della Rebbia a vu périr son père assassiné par son ennemi, l’avocat Barricini. L’assassin a su dérober son crime aux yeux de la justice, mais Colomba n’a pas mis l’espoir de sa vengeance dans la loi. Elle a un frère, Orso della Rebbia, lieutenant en demi-solde dans la garde impériale, qui doit bientôt revenir en Corse. C’est lui qui est maintenant le chef de la famille, et c’est lui qui, selon les idées de la Corse, doit venger son père : quand on a un ennemi, il lui faut choisir entre les trois S : « schioppetto, stiletto o strada » (fusil, stylet ou fuite, expression corse).

Lorsque Orso si longtemps attendu revient enfin au pays, Colomba découvre que son séjour sur le continent lui a fait concevoir, de l’honneur et de la justice, d’autres sentiments que ceux de ses compatriotes et surtout de sa sœur : il déteste la vendetta. Colomba pousse alors avec un mélange d’amour fraternel et d’ardeur de vengeance son frère à un meurtre expiatoire, qu’elle aurait accompli elle-même si elle n’eût cru que l’exécution de la vengeance appartenait à son frère comme chef de la famille.

Craignant qu’il ne soit abattu dès son retour à Pietranera, le village ancestral, Colomba a soin de couvrir Orso de son corps lorsqu’il passe devant la maison des Barricini. Pour aviver sa colère et sa haine contre ses ennemis, elle le mène à la place où son père a été tué puis, de retour à la maison, elle lui montre la chemise couverte de larges taches de sang de leur père et la lui jette sur ses genoux, avant de poser dessus les deux balles qui l’ont frappé.

Excité par sa sœur et par l’opinion de ses compatriotes, Orso n’en continue pas moins de répugner à la vendetta lorsqu’il est attaqué dans la montagne par les deux fils de l’avocat Barricini. En état de légitime défense, Orso les tue et accomplit la vengeance de Colomba.

Forcé, dans les premiers moments, de se cacher dans les maquis impénétrables qui servent de retraite aux bandits corses, une ordonnance de non-lieu sera rendue en sa faveur lorsque l’examen des cadavres et la déposition du colonel démontreront qu’il était seul au moment du combat et qu’il n’a fait que riposter à ses attaquants.

Sources d’inspiration

Prosper Mérimée avait visité la Corse en 1839, en tant qu’inspecteur des monuments historiques. Son intérêt d’ethnologue s’attache au-delà des monuments aux constructions quotidiennes et à ce qu’elles révèlent des traditions. Il décrit les maisons corses comme des habitations austères en granit aux fenêtres étroites qui peuvent servir de meurtrières en temps de vendetta. Souvent ces habitations comportent un four et un puits pour soutenir un siège…

Dans ses pérégrinations, on lui raconta une vendetta qui opposa en 1833 deux familles du village de Fozzano, près de Sartène, les Carabelli et les Durazzo. Il fit également la connaissance de Colomba Carabelli, qui servit de modèle à sa Colomba, l’héroïne « qui excelle dans la fabrication des cartouches et s’entend même fort bien pour les envoyer aux personnes qui ont le malheur de lui déplaire »

L’écrivain a suivi dans les grandes lignes l’histoire de cette vendetta, la seule différence notable étant qu’au moment des faits, l’héroïne n’était pas une jeune fille, mais une femme âgée de 57 ans. Pour reprendre les évènements dans leur exactitude, en 1830, un Durazzo refuse d’épouser une jeune fille Carabelli qu’il a compromise. Le 26 juin 1830, trois hommes sont tués, au cours d’une tentative d’explication, dont deux Carabelli. Colomba, âme et animatrice du camp Carabelli, organise la mobilisation et, en décembre 1833, quatre hommes meurent dans un affrontement, deux Durazzo et deux Carabelli, dont François, son fils.

On montre aujourd’hui à Fozzano la maison et la tombe de Colomba.

Adaptations

Colomba a fait l’objet de nombreuses adaptations au cinéma, à la télévision, à l’opéra ou en bande dessinée :
1915 : Colomba, film réalisé par Travers Vale ;
1933 : Colomba, film réalisé par Jacques Séverac, avec Génica Athanasiou (Colomba), Jean Angelo (Orso), Josette Day (Lydia), Jacques Henley (le général Nevil) ;
1948 : Colomba, film réalisé par Émile Couzinet ;
1950 : Vendetta, film réalisé par Mel Ferrer, avec Faith Domergue (Colomba), George Dolenz (Orso), Hillary Brooke (Lydia), Nigel Bruce (le général Nevil) ;
1968 : Colomba, téléfilm réalisé par Ange Casta ;
1982 : Colomba, téléfilm réalisé par Giacomo Battiato, avec Anne Canovas (Colomba), Jean Boissery (Orso), Elisabetta Pozzi (Lydia), Umberto Orsini (le général Nevil) ;
2005 : Colomba, téléfilm réalisé par Laurent Jaoui, avec Olivia Bonamy (Colomba), Grégory Fitoussi (Orso), Claire Borotra (Lydia), Jean-Luc Bideau (le général Nevil) ;
2012 : Colomba, bande dessinée de Frédéric Bertocchini (scénario et adaptation), Sandro (dessins) et Pascal Nino (couleurs), publiée chez DCL éditions (ISBN 978-2-35416-065-4).
2014 : Colomba, opéra en 4 actes de Jean-Claude Petit d’après un livret de Benito Pelegrin. Commande de la ville de Marseille. Création mondiale à l’Opéra de Marseille (directeur général Maurice Xiberras) le 8 mars 2014.

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Agenda critique de mars: Mathurine, bouffon de Sully (contribution n°2)

On sait que les Rois admettaient auprès d’eux des bouffons, des fous du roi qui avaient autant le rôle de les distraire que les conseiller. Ce qui était vrai pour les Rois, l’était aussi pour les Princes et Seigneurs dans leurs manoirs. Et aussi pour les abbés dans leurs couvents et les évêques dans leurs palais.

Dans le tarot de Marseille, l’arcane du Mat correspond à celle du Fou et représente à la fois l’errance et la folie mais aussi l’insouciance et la Liberté. Le bouffon sert ainsi à détourner l’attention: comme pour le sacrifice d’Abraham, il est le bouc-émissaire qui, par une pirouette, dégonfle une situation délicate. Il détourne de la mort, comme la muleta évite au torero de servir de cible.

Tous les rois , tous les princes eurent donc  leur bouffon: Attila lui-même s’était attaché les services d’un professionnel du genre . Les plus célèbres  ont été Caillette pour Louis XII, Triboulet qui servit Louis XII avant François 1er, Brusquet à la cour d’Henri II puis de François II et enfin de Charles IX.

Notre bon roi Henri IV avait à son service Chicot d’abord puis une femme, Mathurine, première folle attachée à la domesticité d’un roi. Son sage ministre Sully, qui pourfendait les bouffons à la Cour, ne trouva rien de mieux que d’embaucher cette folle Mathurine, une fois sa propre disgrâce venue… Mathurine n’était pas une fille facile, à supposer d’ailleurs qu’il existât des filles faciles…Elle avait autant d’esprit que de caractère et ses ripostes étaient redoutées comme autant de traits meurtriers tirés à bout portant. Vêtue en amazone, armée de pied en cap, avec un chapeau à plumes , une épée, un pourpoint, elle affichait son attirail de guerrière avec autant d’ostentation que de provocation.

La première entrevue entre Sully et sa folle faillit tourner court: Sully n’avait pas été surintendant général des finances du royaume pour rien. Parce qu’elle était une femme , il entendait réduire sa pension de moitié. Qu’à cela ne tienne, elle se présenta à lui et à son assemblée à moitié vêtue, avec même une demi-marotte en proclamant: « Seigneur, les gens qui n’ont que la moitié de leurs appointements ne peuvent s’habiller qu’à moitié. » Sully rit de bon coeur et accepta la requête.

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La place était lucrative: les uns lui donnaient de l’argent pour la récompenser des bons moments qu’elle leur avait fait passer, les autres pour acheter son silence et s’épargner le déplaisir qu’elle les tourne en ridicule publiquement. Mais piquer l’amour-propre des Grands était risqué. Un jour où elle était menacé de coups de bâton de la part d’un proche de Sully, elle n’hésita pas à venir implorer sa protection: « Ne crains riens, l’assura-t-il, si quelqu’un osoit te faire subir un traitement pareil, je le ferois pendre un quart d’heure après. »
-« Grand merci, répondit Mathirine, mais de grâce, Seigneur, ne pourriez-vous pas plutôt le faire pendre un quart d’heure avant? »

Un après=midi, Sully demanda qu’elle arbitrât un différent entre son propre rôtisseur et un laquais qui avait coutume de manger son pain à la fumée de son rôt. Son pain se parfumait donc ainsi et y gagnait grandement en saveur. Dans un premier temps , le rôtisseur le laissa faire puis finit par prendre le faquin au collet en exigeant qu’il lui payât la fumée de son rôt!

Le laquais n’en voulut rien savoir, manquant de faire demi-tour, arguant qu’il ne le lésait en rien et qu’il ne gâtait nullement sa viande en agissant ainsi. L’un et l’autre se querellèrent au point qu’il fallut à Sully intervenir, ce à quoi il délégua Mathurine. Après l’exposé des faits, elle demanda au laquais de lui donner un Louis d’Or, somme considérable. Mais le laquais finit par s’exécuter à contre coeur. Mathurine laissa tomber alors la précieuse pièce, la ramassa et la rendit à son propriétaire en disant:
-Te voilà payé, rôtisseur: le laquais qui a mangé son pain à la fumée de ton rôt a civilement payé ainsi au son de son argent… »

Comme quoi Salomon a eu des héritiers et même des héritières sans le savoir… On a beaucoup ri de cette mini=tragédie en trompe l’oeil  dans les murs crénélés du château de Villebon…

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https://maitrerenardinfo.wordpress.com/2017/03/15/agenda-critique-…-contribution-n2/

Nouvelle de Carine Lejeail: « Quatre mains » (Blog E(mots)tions)

 

 

A vos plumes: Mon garçon manqué par Carine Lejeail (blog é(mots)tions)

Mon garçon manqué

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Je la regarde souvent sans qu’elle le sache depuis la fenêtre de la chambre, au premier étage. Ma petite-fille… La cour qui sépare le jardin de la maison est un sas entre la réalité et les mondes qu’elle s’invente. Elle s’arrête à la grille verte rongée de rouille, elle marque l’instant. Un moment solennel de recueillement, avant de se lancer dans le jardin de toute sa hâte d’enfant. L’été façonne le jardin et fait exploser les bleuets, les pois de senteur, et les roses. Les parterres s’épanouissent et lui offrent des dizaines de cabanes de verdure, des abris de fraîcheur. Elle prend le temps de se régaler de quelques fraises des bois, mais sans trop tarder, car l’aventure n’attend pas. De toutes les personnalités qu’elle endosse, je sais voir ses préférées. Elle se construit des couronnes de feuilles maladroites, elle se trouve une vielle branche tombée, elle chipe mes tuteurs dans la remise et une vieille ficelle. En dix minutes la voilà en chef indien qui chevauche fièrement son appaloosa autour du potager. Elle lance des flèches hésitantes vers d’invisibles ennemis. L’adversaire doit être coriace, je la vois qui esquive, trébuche et se reprend. Elle se met à couvert, tourne autour des lys orangés et leur décoche un coup fatal. Mais déjà une autre destinée l’attend. Un flèche plus grande que les autres se transforme en épée qui, glissée dans la ceinture de son jean de mousquetaire, tombe par terre. Le ridicule ne l’arrête pas et c’est un d’Artagnan en culottes courtes qui s’élance bientôt à l’assaut des murs, et qui presque grimpe sur le bord du toit de la remise. La main au-dessus des yeux, en embuscade, la voilà qui observe avec attention le jardin des voisins, terrain mystérieux car inaccessible, cachette probable de voleurs, de coupe-jarrets et autre rustres. Mais non. Rien ne bouge à part le gros chat qui, lui, a la chance d’être du bon côté. Du côté des gentils. La voici qui redescend à mon grand soulagement, j’avais déjà la main sur la poignée pour lui crier de descendre de là. Un piège devait lui être tendu juste derrière la poubelle-réservoir d’eau car la bataille fait rage. A grand coups de bambou, elle cogne le coin du mur qui semble savoir très bien jouer du fleuret. L’échauffourée dure. Elle allonge le bras et se fend, frappe et frappe encore. Les bras fatigués, le bambou fendu en deux, la victoire est déclarée. Le mur a perdu. Je la vois qui déjà se cherche une nouvelle fortune, une autre mission. Je la sens fatiguée. Dans dix minutes elle sera remontée, c’est l’heure de préparer le goûter.

Texte écrit dans le cadre du MOOC Écrire une oeuvre de fiction. Il s’agissait d’écrire un souvenir d’enfance du point de vue de quelqu’un d’autre. Il s’agit donc d’un morceau de mes jeux d’enfant que j’ai imaginé vu par ma Grand-Mère.

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