S'il te plaît, apprivoise-moi…

Soyez heureux, lecteurs de ce blog, nous vous offrons un cadeau inédit, en exclusivité mondiale: 33 nouvelles autour de la cathédrale de Chartres. C’est de l’exclusif. Du lourd. Du très lourd. On ne compte plus les traductions et les récompenses internationales comme le Grand Prix International de las Cojones guatémaltèques ou l’Eminence papale du Vativan. La lecture de ces bijoux, de ces chefs d’oeuvre se suffit à elle-même, avec ou sans cachet d’aspirine. Taisons-nous, surtout vous d’ailleurs, afin de favoriser un état d’écoute mystico-lyrique du meilleur aloi…


Sacré Fulbert !

Le sculpteur Bernard Damiano a donné une image parfaitement juste de l’évêque Fulbert, celui qui oeuvra tant pour la reconstruction de la cathédrale et pour son rayonnement dans l’ensemble de la Chrétienté. Ce bronze , sur le parvis , fait face au Portail Royal et aux tours incomparables : il donne à juste titre l’idée d’un homme tourmenté.

Si on se réfère à l’hagiographie habituelle, on présente Fulbert comme le Socrate médiéval, homme de grand savoir et enseignant. Evêque lettré, bâtisseur de l’église Notre-Dame, homme d’Eglise et de Paix, ce saint personnage est représenté comme tel sur le vitrail qui lui a été consacré en 1954, ainsi que par une statue dans la partie haute pour le 56ème évêque de Chartres, sur l’un des contreforts de la partie axiale du Tour du choeur.

Derrière cet aspect lisse et bien policé, le vrai Fulbert est tout autre. S’il était bel et bien un homme tourmenté, avec un visage long et hâve, le teint nacré à force de pâleur, les yeux presque exorbités, c’est qu’il était atteint d’un mal presque incurable, le mal des ardents, autrement appelé le feu sacré de Saint-Antoine.

Vous pensez bien qu’un évêque pris de convulsions, de spasmes douloureux, de diarrhées, de vomissements et même d’hallucinations, ça la fichait mal. Pire même, ça le rendait suspect. A l’époque , pour moins que cela, vous risquiez de finir à l’asile, voire au bûcher… Or Fulbert n’était pas n’importe qui. Il avait été le conseiller des princes et des rois, Hugues Capet puis Robert II, qui le fit nommer évêque. On était dans la mouise. Comment ne pas faire passer Fulbert pour un illuminé, voire une créature satanique?

L’image de la sainte église risquait d’en prendre un coup: atteinte intolérable d’autant que Fulbert avait une solide réputation à défendre, d’évêque modèle de conscience et d’intégrité et ce n’était pas , loin de là, le cas de tout le monde… Sans compter qu’il s’était démené comme un beau diable pour financer la construction d’une nouvelle basilique, dont il reste aujourd’hui la crypte, qu’il avait su convaincre les donateurs et les sponsors du moment, et qu’il n’était pas question que des rumeurs malveillantes ou des doutes fassent baisser les dons.

On réunit donc un conciliabule, auquel Fulbert participa pour trouver une solution. On opta pour la plus audacieuse, la solution miraculeuse au nom du vertueux principe que plus c’est gros, plus ça passe. On inventa de toutes pièces la légende que la Vierge elle-même vint le guérir en déposant sur les lèvres du malade quelques gouttes de son lait. On fit passer le message, mit la légende sur vitrail et le tour fut joué. La morale était sauve …ou presque.

Aujourd’hui la maladie de Fulbert porte un nom scientifique: l’ergotisme. La cause scientifique en est un empoisonnement à long terme dû à l’ingestion d’alcaloïdes par l’ergot du seigle. A l’époque, on se nourrissait surtout de pain de seigle et non de blé. Il n’était pas rare que l’été, au moment de la nouvelle récolte, ce mal des ardents fasse son lot de victimes. Ceux qui ne finissaient pas fous ou au cimetière, tentaient le pélerinage jusqu’à St-Antoine l’Abbaye , en Isère. Le feu de Saint-Antoine guérissait et pour cause: les malades ne mangeaient plus de seigle et, la cause supprimée, on mettait sur le compte de la guérison miraculeuse l’intervention du saint… Comme quoi, il faut parfois se méfier du bon pain !

Maitre Goupil, in : Les nouveaux mystères de la cathédrale de Chartres</strong

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